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13 mars 2015 5 13 /03 /mars /2015 16:25

Sources : Journal des Entreprises - 06/03/2015

Les rillettes du Mans pourraient être couronnées cette année par une Indication géographique protégée (IGP). Pour la dizaine d'industriels sarthois, le label permettrait de faire face à la concurrence bretonne ainsi qu'aux pressions de la grande distribution.

Depuis 1992, date de la création des Indications Géographiques Protégées (IGP), signe d'identification de la Communauté européenne, les rillettes du Mans n'ont jamais été aussi près d'obtenir ce précieux sésame. En effet, l'INAO (Institut National des appellations d'origine) a, dans sa délibération du 16 octobre dernier, approuvé le projet de son cahier des charges. C'est la première étape vers l'enregistrement en IGP par la Commission Européenne. Il faut encore attendre l'acceptation du plan de contrôle après que les producteurs, réunis au sein de l'Oprims, se soient mis d'accord avec l'organisme qui sera chargé des contrôles Certipaq. La procédure passera ensuite par la publication d'un arrêté d'homologation du ministère de l'Agriculture et des étapes européennes avec, à chaque fois, des délais pouvant aller jusqu'à trois mois entre deux étapes. L'IGP, signe de qualité, pourrait ensuite offrir à la douzaine de producteurs sarthois sa protection territoriale. L'actuel cahier des charges demande une protection pour l'ensemble du département de la Sarthe. Le dossier précédent, qui n'avait pas convaincu le Conseil d'État en 2009, prévoyait une zone géographique restreinte à 19 cantons autour de Connerré, zone de déploiement de la production industrialisée au début du XXème siècle. Du point de vue du droit communautaire, il est en effet essentiel de faire le lien entre la zone de la protection et la réputation des produits. Si l'Est du département concentre les plus gros faiseurs industriels, c'est bien toute la Sarthe qui produit des rillettes du Mans et qui les surconsomme d'ailleurs. Rappelons qu'un Sarthois consomme cinq fois plus de rillettes que chaque consommateur français.

Le nombre d'opérateurs se restreint
D'une vingtaine il y a dix ans, les producteurs sarthois de rillettes ne sont plus qu'une douzaine. Le marché s'organise en réalité entre quatre grandes catégories d'acteurs. Les industriels qui commercialisent sur l'ensemble du territoire national, Lhuissier Bordeau Chesnel (LBC) du groupe Bongrain en tête, suivi par Bahier (groupe Alliance) et Prunier (qui a repris le charcutier Gillet). Ils produisent l'essentiel des volumes et segmentent leur production en poussant notamment le haut de gamme voire la reconquête du marché intérieur, la Sarthe. Bahier comme Prunier sont très gourmands des porcs produits en Sarthe sous le label rouge « Le Porc Sarthois ». Ils peuvent également produire à façon pour les marques de distributeurs. Ainsi, Prunier est référencé par Reflets de France (Carrefour). Les suivent des industriels spécialisés dans le marché des marques de distributeurs : Prestige de la Sarthe (groupe Cosnelle) à La Ferté-Bernard mais aussi des charcutiers non sarthois comme Kerméné dans les Côtes d'Armor, filiale de Leclerc, et les Salaisons Celtiques (Onno, Monique Ranou), du groupe Intermarché dans le Morbihan. Il existe ensuite des petits producteurs, essentiellement présents sur le marché sarthois. Ainsi, Cosme (20 M€ de CA lors de sa reprise par Agrial en 2012) revendique un approvisionnement et un marché essentiellement départementaux. Fassier livre quant à lui beaucoup de ses pains de rillettes en restauration collective qu'elle soit sarthoise ou non. Les Gorronaises, en Mayenne, produisent également des rillettes, d'ailleurs régulièrement primées. Enfin, les artisans bouchers-charcutiers conservent une forte implantation en rillettes du Mans. Ils sont environ 130 et produisent quelque 400 tonnes de façon traditionnelle, avec des temps de cuisson très longs.

Un rempart contre la délocalisation
L'intérêt de l'IGP est multiple. Dans un marché de la charcuterie fortement chahuté par les pressions des GMS et les tensions sur les approvisionnements, l'IGP permettrait de réserver la production au département de la Sarthe face à la concurrence surtout bretonne et pourquoi pas européenne demain. Elle offrirait aux producteurs de rillettes un argument complémentaire dans leurs négociations avec les GMS pour leurs marques propres comme pour la fabrication à façon. Les marques de distributeurs auraient en effet alors le choix entre conserver un nom type " rillettes de porcs " en ôtant la mention valorisante du Mans, ou sous traiter leur production dans le département. La capacité de production existe. Mais la production porcine ne suit pas. Toutefois, le cahier des charges n'impose pas l'approvisionnement exclusivement départemental en porcs qui de toute façon peinerait à fournir au-delà de certaines niches, le label rouge par exemple. Tout produit fini estampillé de ce signe de qualité doit en effet être produit avec des animaux également label rouge. La demande est croissante et les acteurs de l'amont, fabricants d'aliments pour animaux en tête, reconnaissent être à la recherche de producteurs pour les segments haut de gamme. L'effet économique d'une IGP n'est pas toujours facile à appréhender et varie d'un type de production ou d'une région à l'autre. L'exemple proche des rillettes de Tours est intéressant : elles bénéficient, depuis le 15 novembre 2013, de l'IGP pour une production, artisanale de moins de 150 tonnes annuelles. Selon une enquête réalisée en 2014, l'IGP a permis de gagner 10 % de production, mais la limite est là plutôt dans le nombre d'opérateurs et leur taille. Mikael Doire, président des bouchers charcutiers sarthois est en tout cas optimiste : « si l'IGP rillettes du Mans aboutit, ce sera une bonne chose pour nous aussi », conclut-il.
 

 

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