Pourtant, dans le secteur de la transformation de volaille, cet homme de 55 ans à petites lunettes et costume discret est du genre poids lourd. Son groupe pèse 3 milliards d'euros de chiffre d'affaires, emploie 16 050 personnes, dont 10 000 dans l'Ouest, vend 460 000 tonnes de volailles par an.
« Ne dites pas que LDC est un géant ou le leader de la volaille, insiste-t-il, pourtant, Ce n'est pas vrai ! Les activités du groupe ne représentent que 4 % du marché européen ».
LDC - les initiales des trois fondateurs Lambert, Dodard, et Chancereul - regroupe des marques archiconnues : Marie, Loué, Le Gaulois, ou encore Maître Coq. L'Autorité de la concurrence vient de lui autoriser la reprise des activités volailles du groupe Glon Sanders.
Un ogre sous ses dehors modestes, Denis Lambert ? « S'il n'avait pas été PDG, il aurait été un très bon délégué syndical, assure Yves de la Fouchardière, son ami et directeur des Fermiers de Loué. C'est un homme simple, direct, disponible avec un réel sens de l'autre ».
Il y a un an, il s'est glissé une journée dans la peau d'un salarié, dans le cadre d'une opération « Vis ma vie d'ouvrier » qu'il a imaginée. Ses cadres ont été invités à faire de même.
« Il est comme son père, estime Laurence Diogène, du syndicat FO. Il parle comme nous, mange avec nous. Si on veut un rendez-vous avec lui, on l'a. »
La section du syndicat Sud, qui n'existe à Sablé que depuis un an est moins séduite. « On ne le voit jamais. Difficile de se faire un avis sur une personne avec qui on n'a jamais discuté. Nous sommes en pleines négociations salariales et il n'est pas plus présent. Ça ne doit pas l'intéresser ».
Petit-fils d'un des fondateurs du groupe, Denis Lambert n'était pas prédestiné à faire carrière à LDC. Stéphane Le Foll, ministre de l'Agriculture, qui a été son compagnon de classe au lycée de Sablé Colbert-de-Torcy, se souvient « d'un bon copain accessible et sympa, bon footballeur et plus sérieux que moi pour les études. »
Denis Lambert s'en amuse : « À l'époque, ni lui ni moi, n'imaginions devenir PDG ou ministre. Peut-être encore moins nos professeurs. » Lui se voyait plutôt « journaliste sportif, cuisinier ou prof d'histoire. »
Pourtant, il se passionne peu à peu pour l'agriculture. Lors de l'épreuve d'économie, au bac, il tombe sur le sujet de ses rêves : L'agriculture sera-t-elle le pétrole vert de la France ? « J'ai répondu oui évidemment ! J'ai pris l'exemple des poulets de Loué. Je croyais et crois toujours en une agriculture de qualité. » Il a dû convaincre le jury : il obtient un 16.
À 22 ans, titulaire d'un DUT de gestion et finances des entreprises, il entre dans la société. En bas de l'échelle. « Je contrôlais le nom de colis dans les camions. » À l'époque, LDC n'est qu'une grosse entreprise locale de 400 salariés, sur le seul site de Sablé.
En 1984, son père, Rémy, PDG de LDC, décède précocement. Un des associés, Gérard Chancereul, reprend la tête du groupe. Il propose à Denis le poste de directeur commercial. Le jeune homme hésite. « J'ai refusé deux fois mais M. Chancereul ne m'a pas laissé le choix, raconte-t-il aujourd'hui. Quand j'ai pris le job, il y avait 5 commerciaux. Il y en a 400 aujourd'hui ».
En 2001, Denis Lambert devient à son tour PDG. Le groupe continue son expansion. Si le siège historique est toujours à Sablé, LDC possède 62 sites (68 avec le rachat de Glon Sanders), dans toute l'Europe, de l'Espagne à la Pologne. Lui est « partisan de plus d'Europe mais avec une même fiscalité et des règles sociales identiques dans tous les pays. »
La recette du père de cinq enfants (dont l'un travaille à LDC) serait la simplicité. Une anecdote d'Yves de la Fouchardière est révélatrice : « Il y a quelques années, je négociais avec Denis le prix de l'oie. Nous avons joué le dernier centime au trut, une sorte de belote sarthoise. Il a gagné largement. »
Pour souffler, Denis Lambert s'oblige à une journée de pause chaque semaine. Pas pour se reposer, dit-il, mais pour se recentrer. Alors, tous les dimanches, il fait de la course à pied. Et participe à un marathon chaque année : « L'an dernier, j'ai fait celui de Munich. Et on essaie d'emmener des salariés du groupe ! »
« Il est aussi fan du Sablé FC et pratique le foot, complète Yves de la Fouchardière. Ces deux sports lui vont d'ailleurs très bien : le foot pour le côté collectif et le marathon pour l'endurance et la capacité à se dépasser. »
6 mai 1959 : naissance à Sablé-sur-Sarthe.
1981 : rentre à LDC comme responsable logistique.
1984 : décès de son père, Remy Lambert. Devient Directeur Commercial de LDC.
2001 : président directeur général du groupe LDC.
2015 : LDC récupère les usines de volaille du groupe agro-industriel Sofiprotéol.
Raphaël LAURENT.